Depuis la semaine du 28 avril, des milliers des personnes se rassemblent dans les rues des principales villes de Colombie afin de protester dans le cadre d’une grève nationale en refusant une réforme fiscale proposée par le gouvernement du président Iván Duque. Si ces contestations ont conduit à l’abandon du projet et à la démission du ministre des finances, elles ont donné lieu à des violations massives des droits fondamentaux de la population colombienne.
Dès le début, les mobilisations ont été fortement réprimées par les forces policières. A ce jour, les différentes ONG, ainsi que des organismes internationaux de protection de droits de l’Homme, dénombrent une vingtaine de décès de manifestants. Ont également été dénoncées des agressions sexuelles par des membres de la police, ainsi que des arrestations arbitraires et autres agressions physiques. Le ministère public colombien a par ailleurs confirmé qu’actuellement 87 personnes sont portées disparues.
Le cadre normatif international, qui protège le droit à manifester, est bafoué par les autorités colombiennes. L’Observation générale n°37 (2020) sur le droit de réunion pacifique du Comité des droits de l’Homme des Nations unies énonce notamment que « les forces militaires ne devraient pas être utilisées pour maintenir l’ordre dans les rassemblements »
Il établit également que : « Les États ont ainsi l’obligation négative de s’abstenir de toute intervention injustifiée dans le déroulement des réunions pacifiques. Ils sont tenus, par exemple, de ne pas interdire, restreindre, bloquer, disperser ou perturber les réunions pacifiques sans raison impérieuse ».
Selon ce même instrument
« Les forces de l’ordre ne devraient pas utiliser davantage de force que ce qui est proportionné à l’objectif légitime de disperser une réunion, de prévenir un crime ou d’arrêter ou d’aider à arrêter légalement des délinquants ou des suspects ».
Les vidéos diffusées sur les réseaux sociaux rendent compte des abus policiers et d’un usage disproportionné de la force par la police contre les manifestantes.
Le gouvernement, pour sa part, a riposté par la militarisation des villes. La campagne de stigmatisation menée par l’exécutif vise des citoyens s’exprimant pacifiquement et porte atteinte à leur droit fondamental de manifester reconnu par la Constitution colombienne et dans les accords internationaux de protection des droits de l’Homme ratifiés par la Colombie.
La situation actuelle représente une menace aux principes démocratiques et atteste de la suspension des garanties constitutionnelles des droits de l’Homme en Colombie avec le contrôle par l’exécutif des institutions et la fermeture des espaces propices au débat politique.
L'ONU, l'Union européenne et de nombreuses ONG ont appelé au calme, mardi 4 mai, tout en dénonçant la répression gouvernementale. La solidarité avec le peuple colombien est essentielle afin de condamner la répression des manifestations pacifiques, ainsi que l’usage disproportionné de la force par la police et les militaires.
Au niveau du droit interne, la Constitution colombienne protège le droit de manifester. L’article 37 prévoit explicitement que "Toute partie du peuple peut s'assembler et manifester publiquement et pacifiquement. Seule la loi peut établir expressément les cas dans lesquels l'exercice de ce droit peut être limité ».
De surcroît, le Code nationale de police consacre dans son article 56 que « Les forces de police n'interviennent que lorsque leur action est jugée nécessaire, dans le respect du principe de proportionnalité et de la garantie des droits des manifestants et des autres habitants qui peuvent être affectés par leur action. Les escouades anti-émeutes mobiles ne seront envoyées que lorsqu'il n'est pas possible de maîtriser autrement des menaces graves et imminentes pour les droits ».
Néanmoins, il ne s’agit pas d’une situation nouvelle dans ce pays. Déjà, le 16 septembre 2020, la Cour interaméricaine des Droits de l’homme avait déjà condamné dans un communiqué de presse les violences policières exercées contre des citoyens pendant les premiers jours du mois, causant la mort de 13 personnes.
Cet article a été écrit par Luis Fernando Vega Lugo et n'engage que son auteur. Luis Fernando est étudiant au sein du Master, et membre de l'ADHE. De nationalité colombienne, il est avocat en Colombie et a contribué à la mise en oeuvre législative de la'accord de paix en Colombie. Il a par la suite intégré la Commission chargée de la rédaction de la loi sur le Statut de l'opposition politique en Colombie.